Mettre en œuvre une action volontariste peut permettre de s’assurer de l’engagement durable de ses collaborateurs, élément essentiel de la performance des entreprises et, à terme, de la reprise économique.
La crise du Covid-19 (et ses conséquences économiques et sociales) a été un révélateur de l’engagement de toute la société, que ce soit individuellement ou collectivement, à l’image des soignants bien sûr, mais aussi des collaborateurs en général, confrontés à des conditions de travail difficiles (qu’ils soient sur site ou chez eux). Face à cette situation inédite, la réaction immédiate a été un engagement émotionnel : celui de venir en aide aux malades, de poursuivre l’activité, de sauver des emplois… Aujourd’hui, 54% des salariés se disent engagés, contre 49% avant l’épidémie. C’est ce que révèle l’étude « L’engagement des collaborateurs face à la crise sanitaire », réalisée par la société Supermood, qui a mesuré le niveau d’engagement moyen des employés sur une période de six mois, avant et après mars 2020. Mais la même étude pointe aussi une baisse de l’engagement des salariés les plus seniors, causée notamment par le poids des responsabilités supplémentaires et une surcharge de travail liée à la mise en œuvre du télétravail.
La question est désormais de savoir comment mobiliser et faire durer cet engagement quand l’incertitude est totale, que la situation économique se dégrade et que la promiscuité entre vie personnelle et vie professionnelle est de plus en plus importante. Or cet engagement sur le long terme est la clé : c’est lui qui permettra la performance durable des organisations et le bien-être de tous, et donc, in fine, la reprise.
Trois axes de travail
S’il est possible de motiver un collaborateur, l’engagement relève plutôt d’une « coproduction » entre le collaborateur, les équipes, les managers et l’organisation tout entière. Car, contrairement à la motivation, qui est une transaction entre acteurs moyennant une reconnaissance matérielle (rémunération, promotion…), l’engagement individuel se définit à travers différents éléments qui caractérisent la relation des collaborateurs à leur entreprise. Ceux-ci doivent être acquis aux objectifs et aux valeurs de l’entreprise ; rationnellement et émotionnellement attachés à l’organisation ; prêts à faire un effort supplémentaire pour atteindre les objectifs ; en quête de sens ; enfin, ils doivent avoir développé un sentiment d’appropriation vis-à-vis de leur entreprise.
Observons la situation actuelle : ces cinq moteurs de l’engagement s’appliquent pleinement aux soignants et à tous ceux qui assurent la survie économique du pays. Mais, au-delà du contexte de crise, comment susciter l’engagement durable de tous les collaborateurs ? Cela suppose une action volontariste fondée sur trois axes principaux.
1. Des collaborateurs engagés individuellement et collectivement. Qu’ils soient sans activité ou en télétravail, de nombreux collaborateurs ont vécu la période de confinement comme un moment de stress et de solitude. La pratique du télétravail, qu’elle soit subie ou choisie, représente un levier idéal pour renforcer leur engagement. Selon une enquête de Malakoff Humanis, publiée en juin dernier, 73% des télétravailleurs sont satisfaits, 80% apprécient la souplesse et la flexibilité qu’offre ce mode d’organisation, et 44% la plus grande autonomie qu’il permet. Toutefois, et c’est à prendre en compte, 27% estiment que le télétravail a un impact négatif sur leur santé physique, 31% sur leur santé psychologique et 48% ont du mal à déconnecter. Il s’agit d’en tirer les enseignements dès à présent pour renouer avec un engagement durable. Pour cela, il est nécessaire de :
– Respecter les aspirations profondes des individus en les aidant à trouver le sens de leurs actions et leur place au sein de l’organisation.
– Dépasser l’engagement du cœur et développer les autres dimensions de l’engagement : l’apprentissage permanent, la résilience, la gestion de soi…
– Revivifier les liens sociaux internes et le plaisir au travail : on entend régulièrement des salariés témoigner dans les médias de leur empressement à reprendre physiquement leur travail.
– Détecter et combattre les situations de surengagement qui peuvent mener au burn-out.
– Prêter attention à l’équilibre personnel et professionnel, ainsi qu’au bien-être au travail, malmenés dans le contexte de confinement.
2. Un leadership bienveillant et inspirant. Nous voici devant une opportunité unique de repenser le leadership à la lumière de ce que nous vivons. Cela nécessite de :
– Faire confiance a priori et de contrôler a posteriori, et non l’inverse – loin du micro-management, si créateur de désengagement.
– Repenser le lien entre performance et engagement : féliciter et reconnaître les collaborateurs, non pas uniquement par une rétribution financière, mais aussi par un feed-back permanent sur leurs actions, ainsi que par une reconnaissance sincère des efforts fournis et de la qualité de travail pendant la période de crise sanitaire (et au-delà).
– Faire preuve d’empathie et de bienveillance, célébrer les petites victoires ensemble, penser aux moments précieux du quotidien qui développent l’engagement et l’attachement des équipes.
– Inspirer et donner du sens en portant une vision du futur qui soit positive et qui suscite l’engagement des collaborateurs.
3. Une organisation engageante et apprenante pour tous ses acteurs. L’organisation tout entière peut être créatrice d’engagement ou de désengagement. Plusieurs principes peuvent être appliqués pour la rendre engageante :
– (Re)donner du sens au projet collectif et s’assurer de son alignement avec les valeurs de l’entreprise, quitte à revisiter celles-ci pour créer une nouvelle culture dans le contexte d’après-crise.
– Créer un environnement organisationnel rassurant et apprenant, qui permette aux collaborateurs de se développer (pour compenser le contexte économique difficile qui peut jouer sur le niveau d’engagement).
– Réconcilier l’économique et le social avec deux priorités : la santé des collaborateurs (préserver l’intégrité physique et la santé mentale dans un équilibre précaire avec le maintien de l’activité) et la gestion de l’emploi (donner du sens dans un contexte de licenciement : expliquer, communiquer, rassurer).
– Repenser l’organisation pour la rendre plus efficiente et plus agile (simplifier les processus qui peuvent l’être), plus apprenante (innovation, développement des talents), plus digitale (culture numérique et télétravail incontournables). Le fait de donner de l’air et de faire grandir a un effet immédiat sur l’engagement.
Les RH au cœur du dispositif
La fonction RH est au cœur de la construction de cette organisation « engageante ». Elle doit soutenir les managers pour accompagner ces évolutions, et comme le montre une récente étude de Wolters Kluwer et Opinion Way, « Les RH face au futur », la crise sanitaire a rebattu les cartes en matière de priorités RH à moyen terme, positionnant l’hygiène et la sécurité comme une nécessité absolue (90% « important », +16 points par rapport à la période avant la crise), devant l’accompagnement des managers (88%, +8 points) et la gestion des relations sociales (86%).
Si, après une période de mobilisation générale pour combattre la situation de crise, le niveau d’engagement peut diminuer, une approche holistique telle que celle-ci permettra un engagement pérenne, garant de la performance durable de l’organisation.
Le 09/11/2020 par Bernard Coulaty, Caroline Roussel