Intervention de Bernard Coulaty au 3e Forum de l’Engagement. Juin 2018. Photos : © Vincent Boisot
A l’occasion du 3eForum de l’Observatoire de l’Engagement Bernard Coulaty, ex-DRH au sein de grands groupes en France, en Europe et en Asie. Auteur de l’ouvrage “New Deal of Employee Engagement”(dont l’adaptation française sera publiée en Décembre 2018 aux Editions EMS sous le titre « Engagement 4.0 ») est intervenu sur l’engagement pluriel pour proposer une mise en perspective du sujet au niveau international.
> Quel chiffre avez-vous retenu de l’étude quantitative sur l’Engagement Pluriel menée auprès des salariés Français ? Et, de votre point de vue, ce chiffre serait-il identique si l’étude avait été menée au niveau international ?
Un chiffre a retenu mon attention : pas loin de 40% des salariés français sont des « pragmatiques » selon la typologie de Opinion Way* : forte ancienneté dans leur entreprise, séparant leur vie personnelle et professionnelle, ouverts aux initiatives de leur entreprise mais prudents à s’engager davantage et à se confier sur leurs engagements extérieurs.
En Asie mon expérience est un paradoxe : il y a davantage d’écart entre « réfractaires » qui protègent leur vie personnelle (leur « jardin secret ») et « aventuriers » ou « militants » qui s’engagent dans des causes diverses très appréciées ici (causes relatives aux enfants, aux personnes âgées, à l’environnement…) mais avec une loyauté à l’entreprise beaucoup plus faible compte tenu de la volatilité du marché du travail.
> Pour vous, quelle est la principale différence entre l’engagement pluriel en France et Asie ?
En Asie, il est d’usage de compartimenter davantage entre vie personnelle et professionnelle, de garder un « jardin secret ». Les engagements individuels sont nombreux mais peu relayés par les entreprises, car les salariés changent régulièrement d’entreprise (turnover moyen supérieur a 30%).
> De nombreuses questions ont été posées pendant le Forum sur la génération des millénials (appelée aussi génération Y, née entre le début des années 80 et le milieu des années 90), pensez-vous que l’engagement pluriel est une question de génération ? D’habitudes culturelles liées à un pays ?
Il est clair que les jeunes générations sont plus sensibles à ces sujets car encore plus en recherche de « sens » et de « planète responsable » que leurs ainés. Ceci est encore plus vrai en Asie ou de nombreux millénials ont des engagements de type « charity » ou en lien avec les « seniors » compte tenu d’une culture de solidarité familiale plus forte qu’en Europe.
> L’étude qualitative a montré, à travers plusieurs exemples dans différentes entreprises, l’impact positif des initiatives sur l’engagement des salariés. D’après votre expérience au sein de grands groupes, y-a-t-il des erreurs à éviter ? Comment initier une action ? De quelle entité doit-elle venir (ressources humaines, communication interne, managers…) ?
On constate d’expérience que les meilleures actions susceptibles d’engager les collaborateurs de manière durable sont celles qui font l’objet d’une « co-production », entre les collaborateurs eux-mêmes et les acteurs qui les entourent : leur manager direct, les pairs et collègues membres des équipes, les RH.
La principale erreur à éviter est de confondre une « expérience collaborateur » par nature éphémère et l’engagement véritable de ce même collaborateur qui passe par une recherche de sens et un « effort supplémentaire » l’amenant à se développer sur les plans personnels et professionnels, au delà de leur satisfaction du moment.
De même, attention à ne pas confondre RH et RSE, il ne faudrait pas que les actions de type « développement durable » tiennent lieu de politique RH et de stratégie d’engagement pour masquer les carences éventuelles des process de gestion de la performance et du développement des talents. Le « sociétal » ne peut se substituer au « social » !
> Les petites entreprises (types PME, TPE) peuvent-elles proposer des initiatives à leurs salariés et quels bénéfices sur le long terme peuvent-elles en attendre ?
Moins de moyens et des structures plus courtes sont 2 aspects qui caractérisent les PMEs du coup l’engagement « pur » des salariés est d’autant plus clé pour la performance de l’entreprise.
Les initiatives qui marchent dans les PMEs sont celles qui développent une proximité entre les niveaux hiérarchiques, une plus grande flexibilité d’organisation de son travail en l’absence de process trop lourds, un feedback en temps réel à chaque collaborateur sur sa performance, des initiatives « formatrices » plus informelles sans passer par des formations classiques trop couteuses…
Les engagements pluriels sont souvent beaucoup plus valorisés dans les PME compte tenu de la proximité hiérarchique, et des relations humaines souvent plus informelles que dans les grands groupes.