Interview de Daniel Baroin, vice-président de Carewan et co-fondateur de l’Observatoire de l’Engagement.
Quel chiffre de l’étude Gallup 2017* vous a marqué ?
Au printemps dernier, en pleine campagne électorale, les résultats de la dernière étude Gallup pour la France sont passés complètement sous le radar des hommes politiques et des médias. Et pourtant les résultats, de ce qui fait office de référence en matière de mesure de l’engagement dans les différents pays, auraient pu être matière à débat. La France se caractérise par un taux très faible de salariés engagés et qui se disent particulièrement enthousiastes sur leur travail et leur environnement.
10 % des salariés en France sont engagés,
contre 17 % en Allemagne et plus de 33% aux Etats Unis*
Ce résultat ne serait pas trop inquiétant s’il ne révélait une vérité statistiquement démontrée par la convergence des études : un faible taux d’engagement est un frein à la performance des entreprises et un obstacle à la compétitivité du pays.
Comment les entreprises françaises réagissent ?
Les grandes entreprises françaises, engagées dans une concurrence internationale, ne s’y sont pas trompées. Plus de deux tiers des entreprises du CAC 40 ont mis en place un baromètre ou un « survey » de l’engagement de leurs collaborateurs pour pouvoir mesurer, objectiver et suivre les progrès en ce domaine. Des entreprises, et notamment Michelin, la Société Générale ou Pernod Ricard, qui présentent des taux d’engagement très élevés (proche de 80 %) ont même été plus loin : l’engagement de leurs collaborateurs figure comme un objectif stratégique de création de valeur et le taux d’engagement devient au même titre que les indicateurs financiers un paramètre clé pour toutes les parties prenantes de l’entreprise et notamment les actionnaires.
Mais ces taux d’engagement ne dépendent-ils pas de l’institut qui a mené l’étude et de la taille de l’entreprise ?
Les études menées par l’Observatoire de l’Engagement, en partenariat avec l’Université Paris Dauphine, nous révèlent que les modèles déployés par les différents instituts pour mesurer l’engagement s’inscrivent dans les mêmes paramètres « cœur » (fierté d’appartenance, adhésion aux valeurs, confiance dans la stratégie) et des leviers déterminants très semblables que sont la qualité du management direct, l’environnement de travail, les opportunités de reconnaissance et de développement. Sur ces bases la distinction grandes entreprises / PME n’est pas significative. Les salariés des PME, avec un entrepreneur accessible, porteur de vision et le sens démultiplié par un support managérial de qualité sont souvent plus engagés que dans des grandes entreprises en restructuration et au mode de fonctionnement bureaucratique.
Comment agir sur la compétitivité de l’entreprise si les salariés sont désengagés ?
La bataille de la compétitivité, quels que soient la taille et le statut des entreprises, ne se gagnera que si les dirigeants prennent conscience de l’enjeu que représente l’engagement de leurs collaborateurs pour l’obtention de la performance et la création de richesse. La recherche d’engagement n’est pas à sens unique. On ne peut pas demander aux salariés d’adhérer aux valeurs et au projet, de se sentir propriétaire de leur entreprise, d’accomplir des contributions au-delà de leurs obligations contractuelles si des contreparties fortes et significatives ne sont pas données en retour. Cela passe par une reconnaissance réelle des contributions, un partage de la richesse crée, un environnement de travail propice à la responsabilité et à l’’autonomie. Bref c’est un nouveau contrat social qui est à construire.
*Rapport de la société américaine de sondage experte du monde du travail : Gallup « State of the Global Workplace » (2017)